vendredi 1 octobre 2021

20. Moussaillon

Flatulie parut d'abord contrariée que je l'eusse rattrapée in extremis, puis elle s'esclaffa. "Eh bien, on dirait que tu vas découvrir la Sabotie, mon garçon!" me dit-elle. Je me mis en colère, car elle avait pris la fâcheuse habitude de me parler de la même manière qu'Omblé et Prépulle. Je trouvais cela infantilisant, surtout que j'étais peut-être le père de son enfant! 

Très vite, toutefois, elle cessa de me prêter attention. Le mal de mer la rendait très souffrante, d'autant plus que sa grossesse n'était pas non plus de tout repos. Les attentions des marins, d'abord très insistantes et régulières, déclinèrent au fil de semaines, à mesure que son ventre enflait et que des relents de vomissures émanaient en permanence de son corps qui grossissait, semble-t-il, de partout. Ses seins, déjà gros en temps normal, étaient devenus tout à fait énormes. Malgré ses vomissements répétés, elle mangeait comme une ogresse et le capitaine n'eut d'autre choix que de rationner l'équipage. 

Les jours et les semaines passèrent. Mon émerveillement initial avait cédé à un ennui pénible à supporter. Rien n'est plus monotone que l'étendue infinie de la mer, pareille à elle-même jour après jour. J'eus néanmoins l'occasion de me garder occupé. J'avais remarqué que les marins, tout autant qu'ils délaissaient Flatulie, s'intéressaient de plus en plus à ma personne. J'en fus d'abord flatté; je leur racontai fièrement comment j'étais le fils du grand cartographe Omblé de Gobières, et mes aventures à Bobignon les fascinèrent, enfin, c'est ce que je crus. Pourtant, je décelai bientôt, sous leur apparente bienveillance, des regards de plus en plus insistants et des allusions désagréables, dont le sens m'échappait en grande partie mais dont je redoutais les aboutissements. Lorsque j'en fis part à Flatulie, elle m'avisa, entre deux reflux gastriques, que je ferais bien de développer ma musculature tout en évitant les commissions dans les cales. Je ne saisis pas tout à fait ce qu'elle voulait dire, mais l'ennui me tiraillait et je passai des heures innombrables à récurer le pont, bien en vue du capitaine. Je parvins à devenir son protégé, car il avait découvert que j'étais instruit et il pouvait donc me dicter son journal de bord, au lieu de le rédiger lui-même.

J'obtins alors le double avantage d'une forte constitution, ce qui me servirait à de nombreuses reprises au fil des années, et l'estime du capitaine. Je devinai le sort qui eût autrement été le mien lorsque d'autres moussaillons montèrent à bord lors d'un ravitaillement dans un atoll dont j'ai oublié le nom. Après quelques jours, je remarquai qu'ils ne portaient plus une simple culotte, mais une espèce de couche composée de plusieurs lanières de tissu.

Je passai de longues heures à méditer ma situation. Omblé m'avait confié une mission et j'avais échoué lamentablement, car bien que j'eusse rattrapé Flatulie, je n'avais tout de même pas été en mesure d'empêcher sa fuite. Je m'imaginais mal la forcer à m'accompagner pour un éventuel retour à Gobières. Il faudrait de toute évidence l'abandonner, elle et l'enfant qu'elle portait, à son propre sort. Qu'adviendrait-il ensuite de l'enfant, qui serait mon fils ou mon demi-frère? Mais l'appel de l'aventure résonnait en moi! 

Depuis Bobignon, j'avais acquis un désir insatiable de découvrir de nouveaux endroits exotiques. Le temps passé à Gobières, engoncé dans la routine, m'avait été insupportable. Seuls les charmes de Flatulie m'avaient, un temps, empêché d'admettre que mon destin se situait sur les routes et les mers de ce monde. Le soir, lorsque le sommeil tardait à venir, je passais de longues heures à contempler la carte de Gobières que mon père m'avait remise. J'avais passé presque toute ma vie dans les limites étroites de la cité, sans vraiment m'en rendre compte. Puis mon séjour chez Gourmol m'avait ouvert les horizons infinis du multivers. 

Plus j'étudiais la carte de mon père, plus ma résolution de fonder un nouveau genre de cartographie, basé sur les faits et la raison, m'obsédait. En effet, ayant vécu toute mon enfance à Gobières, j'étais bien au fait que la plupart des indications sur la carte d'Omblé étaient non seulement souvent imprécises, mais parfois carrément fausses. Par exemple, il n'y avait pas de monstre marin échoué dans le port, tout au plus un ivrogne aux flatulences insidieuses et sonores sous le Grand Quai. Il réalisait ses cartes selon l'ancienne méthode, grâce aux rumeurs, aux racontards, aux ouï-dire et aux légendes. Qu'un enfant puisse relever autant d'erreurs d'un bref coup d'oeil m'était inadmissible.

Mon projet n'avait toutefois rien de simple. Tout d'abord, il me faudrait sillonner les mers et les chemins du monde incessemment, ce qui, en soi, m'apparaissait tout à fait désirable. Toutefois, comment mesurer avec précision la distance entre deux lieux et ainsi établir une carte précise et véridique? Je pressentais que l'étendue sans fin de l'océan, contemplée en cherchant la solution, constituerait le gros du problème. Certes, on peut bien marcher entre deux villages en utilisant un bout de bois ou de corde et rabouter le tout avec une arithmétique relativement simple. Il suffisait d'admettre que l'ancienne méthode cartographique comportait des failles gigantesques, et les idées affluaient immédiatement. Mais la mer? Comment mesurer une telle étendue, sans le moindre repère à l'horizon de tous les points cardinaux? Il me faudrait, admis-je, inventer les outils qui rendraient ma tâche possible, ou à tout le moins, en découvrir en des contrées lointaines qui pourraient se prêter à un tel exercice ou servir d'inspiration à une invention de mon cru. 

Un beau matin dégagé, la vigie s'écria: "Terre en vue!"

Peut-être trouverais-je une amorce de réponse à mes problèmes en Sabotie?


4 commentaires:

  1. Affichant tout d’abord un air contrarié que je l’eusse rattrapée in extremis, Flatulie ne put pas maintenir cet air sévère plus que quelques instants et éclata d’un fou rire soulagé. Elle était visiblement épuisée par sa fuite mais paraissait néanmoins contente de réaliser que je l'accompagnerais dans cette nouvelle aventure. Elle me dit en s’esclaffant: “Eh bien, on dirait que tu vas découvrir la Sabotie, mon garçon!". Cela me mit en colère car elle avait pris la fâcheuse habitude de me parler de la même manière qu'Omblé et Prépulle. Je trouvais cela infantilisant, surtout que j'étais peut-être le père de son enfant!

    Les premiers jours de cette croisière furent très agréables. La température clémente et l’accueil chaleureux de l’équipage nous mirent immédiatement à l’aise. Je pris toutefois peu à peu conscience de la dynamique qui opérait à bord du navire. Les courtoisies des matelots m’apparurent rapidement motivées par des besoins très primaires, et, bien que j’appréciai de pouvoir partager à nouveau l’intimité de dormir aux côtés de Flatulie, je compris que je ne servais que de barrière envers le reste de la gent masculine du bâtiment. Un rituel s’instaura rapidement: Flatulie, généralement souillée de vomissures causées autant par le mal de mer que par les aléas de sa grossesse, réquisitionnait chaque jour qu’on jeta l’ancre pour qu’elle puisse plonger dans l’océan pour se laver. Elle se rendait alors sur le pont avant du navire et, avec des manières que je lui connaissais bien, se dévêtissait avec une certaine désinvolture mais un soin de mettre en valeur ses charmes. Elle plongeait dans l’eau et, bien que les aconiers furent les premiers à se masser à la palissade pour l’observer, tout l’équipage suivit rapidement pour la voir patauger quelques minutes, ses énormes seins gonflés par la maternité agissant comme des bouées grossissant de jour en jour. La gêne diminuant, cette cérémonie devint rapidement une séance d’astiquage, alors que tous les matelots, mat dressé vers le ciel, s’appliquaient à soulager leur excitation en projetant leur excédent de semence vers les vagues et l’objet de leur désir qui nageait devant eux. Je fus rapidement écoeuré par cette procédure, mais je comprenais que c’était une solution très astucieuse au danger perpétuel de se voir séquestrée et maltraitée par une troupe excédée de ne pouvoir bénéficier de ses faveurs.

    La monotonie des jours qui passaient, toujours égaux ne serait-ce que par l’occasionnel nuage qui venait briser l’immaculée bleuté du ciel, finit par effriter mon émerveillement initial. Mon ennui devint graduellement pénible à supporter, amplifié par l’étendue homogène et infinie de la mer, pareille à elle-même jour après jour. Je me résignai à me joindre à la chorale du bateau, et ce moment de communion avec mes partenaires d’équipage, chaque après-midi après le goûter du zénith mais juste avant les corvées du soir, m’aidait à oublier le mal du pays et l’étrange solitude qui m’envahissait.

    Nous entonnions fièrement: “C'est un fameux trois-mâts, fin comme un oiseau, Hissez haut! Santiano!” et j’étais immédiatement parcouru d’un grand frisson, me sentant quelques instants flotter au-dessus des planches, emporté par une hilarité indescriptible. “Dix-huit nœuds, quatre cents tonneaux, Je suis fier d'y être matelot!” et j’appréciais l’effet de ma voix à peine pubère qui était clairement d’une octave au-dessus des six autres mousses qui s'égosillaient passionnément à mes côtés. Le capitaine sortait alors fumer sur le pont, regardant toujours vers l’horizon, songeur, et nous continuions: “Tiens bon la vague et tiens bon le vent, Hissez haut! Santiano!” et je croisais parfois son regard, profond comme les abysses, usé par les voyages mais toujours vif comme le vent. Fier et droit, je projetais tout mon souffle et, en harmonie avec mes compagnons, je poursuivais: “Si Dieu veut, toujours droit devant, Nous irons jusqu'à San Sabotio!” et je voyais alors l’ombre d’un sourire remuer les coins de sa barbe fournie.

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  2. Apprenant à connaître les marins qui m’accompagnaient, je me mis à raconter mes aventures. Leur intérêt envers moi s’accroissait au fur et à mesure, du moins c’est ce que je croyais, que j’ajoutais des détails à mes histoires formidables. J’en fus d’abord flatté; je leur racontai fièrement comment j’étais le fils du grand cartographe Omblé de Gobières, et mes aventures à Bobignon les fascinèrent. Toutefois, je remarquai que cet intérêt à mon égard grandissait de manière inversement proportionnelle à celui pour les baignades quotidiennes de Flatulie. Mon esprit candide réalisa trop tard ce qui était en train de se passer lorsqu’un jour, alors que je racontais pour au moins la quinzième fois mon exploration des passages sous la maison de Gobières, le cercle autour de moi se rapprocha, m’empêchant toute possibilité de fuite. Les regards concupiscents me firent décrocher de mon récit et je me croyais déjà perdu, souillé et perforé de toutes parts, lorsque la silhouette du capitaine apparut, ordonnant de sa voix ferme et autoritaire à chacun de retourner vaquer à ses occupations. Les moussaillons déçus partirent la mine basse et le capitaine me fit signe de le suivre.

    Il m'emmena alors dans ses quartiers, qui se trouvaient dans une cabine surplombant la poupe, derrière le troisième mat. Je n’avais encore jamais parcouru cette partie du vaisseau, et je fus impressionné par ce qui m’apparaissait comme l’exploration d’un nouveau territoire dans ce lieu déjà trop familier. Lorsque je pénétrai dans la première pièce de sa cabine, je fus sidéré par ce que j’y trouvai: c’était un véritable laboratoire de cartographie! Étalés sur une table se trouvaient compas, règle, astrolabe, boussole, bâton de Jacob, équerre, plume, étampe, cadran nocturne, télescope tandis que dans une étagère à proximité reposaient des encyclopédies aux reliures enluminées, des parchemins abimés dépassant d’étuis de cuir, des écrins métalliques et des cassettes de bois munies de petites serrures. Il me laissa le temps de recouvrer mes esprits, parfaitement conscient de l’effet que ce lieu fantastique avait produit sur moi. “J’ai cru entendre que tu avais un certain intérêt pour la cartographie? Justement, mon second s’est montré indiscipliné dernièrement et j’aimerais bien lui trouver un remplaçant” me dit-il. Je me souvins alors de la fâcheuse situation de laquelle il m’avait tiré et je crains alors qu’il m’avait amené ici pour la même raison qui avait poussé mes assaillants à m’entourer il y avait quelques instants. Détectant instantanément mon inquiétude, il s’empressa de me rassurer: “Je n’ai aucun intérêt pour le corps des jeunes garçons. Un vieux loup de mer sait attendre les plaisirs du port…” me dit-il, désamorçant ma méfiance.

    Satisfait d’apprendre que je savais écrire, et qui plus est d’une calligraphie impeccable, il fit de moi le secrétaire de son journal de bord. Je m’asseyais chaque soir dans sa cabine, m’épargnant ainsi les corvées du soir, et j’écoutais attentivement sa dictée. J’avais alors la chance de parcourir la structure fascinante de son esprit, calculateur, pragmatique, rigoureux, mais également mélancolique et nostalgique, ce qui ajoutait un brin de poésie à ses descriptions généralement très techniques et arides. J’attendais avec impatience le moment où les commentaires sur la vitesse du vent, l’angle des vagues ou le déplacement des astres d’une journée à l’autre ferait émerger un souvenir d’un accostage à un port exotique qui aurait marqué de manière indélébile l’imaginaire de ce pilote de navire. Souvent, seul un nom ou une qualité était mentionnée, mais parfois s’en suivait une description complète de péripéties invraisemblables, et même une larme se formait au coin de son oeil.

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  3. Nous étions au milieu d’une session de prise de notes particulièrement intéressante, car, pour la première fois depuis longtemps, le ciel s’était couvert. La mer avait commencé à s’agiter et je me sentais réellement privilégié de subir cette météo inquiétante dans le lieu probablement le plus sécuritaire de tout le navire. Au milieu de l’énumération des changements subtils de la pression atmosphérique qui avaient eu lieu au cours de la journée, en comparaison avec les journées précédentes, le mathurin en charge du pont fit irruption dans la cabine sans même cogner: nous étions attaqués par des pirates!

    Tout se passa alors très rapidement. Le capitaine m’intima de rester dans sa cabine et, attrapant sa ceinture d’où pendait un grand sabre, se précipita à l’extérieur. Au même moment, un éclair illumina sa silhouette et un grand coup de tonnerre retentit. La pluie s’était mise à tomber abondamment et j’entendais des cris mêlés aux bruits de la tempête. J’étais terrorisé mais néanmoins curieux d’assister à cet évènement formidable! Ma curiosité fut immédiatement réprimée par l’apparition de Flatulie dans la cabine, les vêtements déchirés et les bras lacérés. Elle était complètement détrempée, de pluie et de larmes, et j’entrepris aussitôt de barricader la porte derrière elle. Je poussai un meuble en travers de celle-ci, ce qui retiendrait au moins quelques minutes une tentative d’intrusion. Je pris quelques lambeaux de ses vêtements déchirés, et j’entrepris de confectionner pour Flatulie un pansement pour ses bras qui saignaient abondamment. Elle se laissait faire, visiblement sous le choc. Nous entendions le tumulte à l’extérieur, ponctué de coups de tonnerre et de cris atroces.

    L’abordage dura quelques heures, puis nous entendîmes le capitaine cogner à la porte de sa cabine, nous demandant d’une voix ferme mais exténuée, de lui ouvrir. Je m’empressai de défaire ma barricade et de le laisser entrer. Il me parut intact, bien que visiblement amoché par la bataille qu’il avait livré contre nos assaillants. J’étais pantois d’admiration devant celui qui avait réussi à mettre les pirates en déroute, mais lorsque je fis mine de le féliciter pour cette victoire, il me regarda d’un air sévère et défait, et me fit signe de me taire et de partir. Je suivis ses ordres et quittai sa cabine. Je comprenais qu’il avait besoin de se reposer après cette rude épreuve.

    Ce que je vis lorsque je retournai sur le pont me laissa complètement abasourdi. Je m’attendais peut-être à retrouver quelques cadavres de valeureux tombés au combat pour défendre le navire, ou un membre tranché ça et là, mais ce que je vis était tout simplement abominable. Mes compagnons d’équipage gisaient en râlant, au milieu de bouteilles de rhum vides, certains se tenant le rectum à deux mains, d’autres portant une espèce de couche composée de plusieurs lanières de tissu, imbibée de sang et d’excréments. Mon esprit refusa sur le moment d’imaginer ce qui s’était passé, mais je sais maintenant exactement ce qui avait motivé ces pirates à attaquer notre embarcation: ils désiraient assouvir leurs plus bas instincts et l’abordage n’avait d’autre objectif que cette affreuse bacchanale!

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  4. Je passai les jours suivant à méditer ma situation. L’ambiance sur le navire était vraiment tendue. Personne n’osait se regarder dans les yeux. J’avais presque honte d’avoir été un des seuls épargnés, mais j’en étais reconnaissant envers le capitaine qui m’avait protégé. Je repensais à mon père, Omblé qui m'avait confié une mission et à laquelle j'avais échoué lamentablement: bien que j'eusse rattrapé Flatulie, je n'avais aucunement été en mesure d'empêcher sa fuite. Je ne voyais pas comment je pourrais être en mesure de la ramener à Gobières, encore moins de l’y convaincre, après tous ces mois en mer. De plus, elle serait bientôt à terme et donnerait naissance à mon fils, ou à mon demi-frère! Cette aventure maritime avait grandement excité mon désir insatiable de découvrir de nouveaux endroits exotiques. Après Bobignon, cet endroit infâme et puant, je découvrais le grand air du large. Je ne pouvais m’imaginer résigner à mon destin qui se situait sur les routes et les mers de ce monde.

    Le soir, à la lueur des étoiles, je passais de longues heures à contempler la carte de Gobières que mon père m'avait remise. J'avais passé presque toute ma vie dans les limites étroites de la cité, sans vraiment m'en rendre compte. Puis mon séjour chez Gourmol m'avait ouvert les horizons infinis du multivers. Plus j'étudiais la carte de mon père, plus ma résolution de fonder un nouveau genre de cartographie, basé sur l’expérience et l’exactitude, m'obsédait. En effet, ayant vécu toute mon enfance à Gobières, j'étais bien au fait que la plupart des indications sur la carte d'Omblé étaient non seulement souvent imprécises, mais généralement carrément fausses. Par exemple, il n'y avait pas de monstre marin échoué dans le port, tout au plus un ivrogne aux flatulences insidieuses et sonores sous le Grand Quai. Mon père réalisait ses cartes selon l'ancienne méthode, se fiant aux rumeurs, aux racontars, aux ouï-dire et aux légendes. Qu'un enfant puisse relever autant d'erreurs d'un bref coup d'oeil m'était inadmissible.

    Mon projet n'avait toutefois rien de simple. Tout d'abord, il me faudrait sillonner le monde et le multivers incessamment, ce qui, en soi, m'apparaissait tout à fait désirable. Toutefois, il me faudrait trouver le moyen de mesurer avec précision la distance entre deux lieux pour ainsi établir une carte précise et véridique. Je pressentais que l'étendue formidable de l'océan, que je contemplais en réfléchissant à ce problème, me poserait le plus de fil à retordre. Certes, on peut bien marcher entre deux villages en utilisant un bout de bois ou de corde et rabouter le tout avec une arithmétique relativement simple. Il suffisait d'admettre que l'ancienne méthode cartographique comportait des failles gigantesques, et les idées affluaient immédiatement. Mais la mer? Comment mesurer une telle étendue, sans le moindre repère à l'horizon de tous les points cardinaux? Il me faudrait, admis-je, inventer les outils qui rendraient ma tâche possible, ou à tout le moins, en découvrir en des contrées lointaines qui pourraient se prêter à un tel exercice ou servir d'inspiration à une invention de mon cru.

    Un matin, en me réveillant, je sentis que la texture de l’air avait changé. Aux effluves salins se mêlait un fond frais et léger, évoquant les hautes montagnes. J’entendis alors la vigie s’écrier "Terre en vue!"

    Trouverais-je une amorce de réponse à mes questionnements en Sabotie?

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23. Le labyrinthe

Le design de la ville de San Sabotio est d'une telle étrangeté qu'il me fallut plusieurs semaines pour m'y déplacer sans me perd...