mardi 15 mai 2018

1. Réveil sur la plage

À mon réveil, j'eus l'impression que ma tête se fendait en milliers de morceaux. La lumière trop vive du soleil couchant m'aveuglait, et la douce brise qui soufflait sur la plage m'écorchait la peau comme autant de poignards.

Que m'était-il arrivé? Où étais-je? Ces questions m'achevèrent, et je me rendormis. Je ne saurais dire combien de temps je passai là, gisant sur le sable brûlant d'un rivage inconnu, abandonné au ressac que mon corps brisé faisait clapoter dans mon esprit vagabond. 

J'ai vaguement ressouvenir de la voûte céleste et des étoiles qui n'étaient pas au bon endroit. Combien de jours s'écoulèrent ainsi, alors que j'étais entre la vie et la mort? Impossible à dire. Quand enfin j'eus recouvré un semblant de conscience, je trouvai une petite lagune, étanchai la soif qui me taraudait, puis observai pendant un certain temps le paysage environnant pour tenter de m'y retrouver.

De grands arbres - je n'appris que bien plus tard qu'il s'agissait de palmiers, à propos desquels j'avais déjà lu quelque chose - s'avançaient dans le sable, laissant derrière eux une jungle luxuriante de laquelle s'échappaient toute sorte de bruits inquiétants, en particulier au crépuscule. Le sable, d'une blancheur presque immaculée, devenait brûlant peu après l'aube. Rapidement, j'appris à chercher l'ombre des palmiers et je me façonnai un harpon rudimentaire. Il me fut alors possible de me rassasier et, peu à peu, de reprendre des forces. 

De là, mon esprit entraîné à la cartographie se mit à échaffauder des hypothèses, des protocoles, des mesures à prendre, des relevés à consigner soigneusement sur papier vélin, bref, toutes ces choses que je savais faire depuis... depuis quand, au fait?

J'étais toujours tourmenté par mon amnésie, qui semblait vouloir persister bien au-delà des premières journées enfiévrées qui m'avaient vu agonisant sur la plage. Je savais bien qui j'étais - Saltrumon de Gobières, fils du grand cartographe Omblé de Gobières - mais c'était à peu près tout. De toute évidence, j'étais naufragé sur cette île tropicale. Comment étais-je parvenu en ces mers inconnues? Qu'avais-je parcouru comme chemin pour me rendre si loin de chez moi? Où étaient les autres qui m'avaient sûrement accompagné? Et notre navire? Pourquoi n'y avait-il pas le moindre débris sur la plage? Qui était Omblé, mon père? Et Gobières? En me concentrant, j'arrivais à retrouver certaines sensations, peut-être celles du temps où j'étais nourrisson, des odeurs, des sentiments éphémères, qui ne perduraient que l'espace d'un instant, avant de s'évanouir dans l'espèce de brouillard mental qui m'empêchait de tourner mon regard vers le passé.

Je résolus alors de tout commencer par le début, par les premiers souvenirs de mon enfance, et de reconstruire pas à pas ma mémoire défaillante et mon identité perdue...

1 commentaire:

  1. À mon réveil, j'eus l'impression que ma tête se fendait en milliers de morceaux. La lumière trop vive du soleil couchant ne m'aveuglait pas autant que celle des immenses projecteurs qui s’étaient allumés pour marquer de début d’une nouvelle nuit frénétique. La douce brise qui soufflait sur la plage emportait avec elle une odeur de friture et de sucre, arômes pourtant succulents, mais qui attaquaient mon estomac comme un cocktail de poignards.

    Que m'était-il arrivé? Où étais-je? Ces questions m'achevèrent, et je me rendormis. Je ne saurais dire combien de temps je passai là, gisant sur le sable brûlant d'un rivage inconnu, abandonné au ressac que mon corps brisé faisait clapoter dans mon esprit vagabond.

    J'ai vaguement ressouvenir d’un éclairage artificiel comme une myriades d’étoiles qui n'étaient pas au bon endroit. Combien de jours s'écoulèrent ainsi, alors que j'étais entre la vie et la mort? Impossible à dire. Quand enfin j'eus recouvré un semblant de conscience, je trouvai l’entrée du gigantesque complexe. Je commandai une bière ou une de leurs mixtures exotiques, je ne sais trop, et étanchai la soif qui me taraudait, puis observai pendant un certain temps le paysage environnant pour tenter de m'y retrouver.

    De grandes colonnes, l’entrée d’un palais gigantesque, - je n'appris que bien plus tard qu'il s'agissait d’un casino, à propos duquel j'avais déjà lu quelque chose - s'avançaient dans le sable de la plage, fusion improbable d’une civilisation exubérante et de la nature sauvage. Au delà de cette arche, toute sorte de bruits inquiétants, en particulier au crépuscule, envahissaient l’atmosphère. Rapidement, j'appris à chercher le réconfort des nombreux débits de boissons, oasis parmi les tables de jeux et les bandits manchots. Il me fut alors possible de me rassasier et, peu à peu, de reprendre des forces.

    De là, mon esprit entraîné à la cartographie se mit à échaffauder des hypothèses, des protocoles, des calculs de probabilités, des mesures à prendre, des relevés à consigner soigneusement sur papier vélin, bref, toutes ces choses que je savais faire depuis... depuis quand, au fait?

    J'étais toujours tourmenté par mon amnésie, qui semblait vouloir persister bien au-delà des premières journées enfiévrées qui m'avaient vu agonisant sur la plage. Je savais bien qui j'étais - Saltrumon de Gobières, fils du grand cartographe Omblé de Gobières - mais c'était à peu près tout. De toute évidence, j'étais naufragé sur cette île tropicale. Comment étais-je parvenu en ces mers inconnues? Qu'avais-je parcouru comme chemin pour me rendre si loin de chez moi? Où étaient les autres qui m'avaient sûrement accompagné? Et notre navire? Pourquoi n'y avait-il pas le moindre débris sur la plage? Qui était Omblé, mon père? Et Gobières? En jouant, je retrouvais des sensations familières, le son réconfortant de la bille rebondissant dans la roulette avant de fixer le sort une fois de plus, le frottement des cartes qu’on brassait, le cliquetis des dés qu’on jetait. Je ne me souvenais d’aucun de ces jeux, et pourtant leurs règles m’apparaissaient comme une évidence. Avais-je déjà gagné? La question me donnait mal à la tête et toute possibilité d’accéder à cette information s'évanouissait dans l'espèce de brouillard mental qui m'empêchait de tourner mon regard vers le passé.

    Je résolus alors de tout commencer par le début, par les premiers souvenirs de mon enfance, et de reconstruire pas à pas ma mémoire défaillante et mon identité perdue...

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